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Je t'invite, par Estelle Bertin

Bienvenue.
Bienvenue à toutes !
Bienvenue aux enfants !
Bienvenue aux mères, aux sœurs, aux filles, aux amies.
Bienvenue à toustes, les hors des cases, les entre les deux
Bienvenue aux frères, aux pères, aux fils, aux copains.
Bienvenue à celles et à ceux qui sont venu.e.s ensemble
Bienvenue aux autres qui sont venus seul.e.s, nous sommes ensemble
Bienvenue à celles et à ceux qui ont dû partir, qui ont dû fuir,
qui luttent perpétuellement.
Bienvenue aux endeuillé.es, aux chagriné.e.s, aux larmes dans les yeux
Bienvenue à ceux et celles qui restent et sont là !
Bienvenue aux sages, aux philosophes, qui acceptent.
Bienvenue à celles qui ne veulent plus voir, parce qu'on a en trop vu.
Fermez les yeux
Bienvenue à ceux qui ne veulent plus entendre, parce qu'on en a trop entendu.
Bouchez-vous les oreilles
Asseyez-vous, reposez-vous.
Mettons sur cette table, la liberté à portée de main
Que celui ou celle qui la veut s'en saisisse, se serve et s’en resserve.
Saupoudrons là sur les tous les plats
Laissons-nous alors manger, chanter, danser, boire
Laissons-nous regarder, inventer ou crier
Laissons-nous dire, nous lever ou rester là, juste là
Laissons-nous nous raconter autant qu’on le pourra.
Encore une fois BIENVENUE !
Levons nos verres aux quatre vents du monde.
Nous les tables, sommes les témoins du monde.
Tables aux terrasses de café, tables de cuisine, tables au bord des routes, tables de restaurants,
Tables de camping, tables de pique-nique, tables de jeux, tables des négociations, tables
rondes, rectangles, en bois, en verre, en acier…
Partout autour de nous les humains se réunissent pour le meilleur et pour le pire.
Nous avons tremblé lors de disputes à casser le monde en deux
Nous avons chaviré plus d’une fois
Nous avons pleuré aux rendez-vous de milliers d’amoureux disant adieu à leur histoire.
Nous avons craint ceux qui prenaient appui sur nous, pour impressionner leurs adversaires.
Nous avons souri aux mille et unes confidences de vrais amis.
Nous avons supporté le poids de l’ivresse de beaucoup.
Nous avons espéré le dénouement de toutes les parties de jeux au monde.
Nous avons humé les centaines de milliards de repas posés.
Nous avons vécu les points de bascule qui changent une vie, LES MOMENTS CLÉS
Nous avons plié sous le poids d’idées passionnées
Nous avons passé les époques et les âges,
Notre utilité n’a jamais été à prouver.
L’humanité ne peut se passer de nous.
Je vous parle d’ici, aujourd’hui, dans cette ville aux indicibles remparts
Je suis la plus grande table du monde et je vous invite
A table ! Prenez place !
Mettez-vous là où vous voudrez, prenez une chaise ou un tabouret.
Posez vos coudes si vous le voulez.
Je vous invite !
Chers vous
Fées de passage
Lutins du monde actuel
Tendres au grand cœur
Cher toi
Le bon, le gentil, le souriant, le sympa
Chers vous
Semeuses et semeurs de graines d’imaginaire, qui continuent à œuvrer coûte que coûte
Chers vous
qui ne vous lassaient jamais de boire la mer des yeux
De vous baigner dans les nuages
De chavirer dans les grands vents.
Cher vieux qui ne te rabougrit pas dans tes habitudes figées
Cher jeune qui écoute parfois ce que le vieux a à dire.
Chères perles précieuses qui portaient le monde de toute votre force
Chères belles et bonnes âmes qui osaient les mélanges sans concessions
Cher toi qui me lit
Qui t’es reconnu à un moment ici ou là
Cher toi
Merci
Merci d’être là.
Merci d’exister
Merci d’être toi
Merci de croire aux licornes
D’essuyer les larmes des dragons
De rêver, de voler, de sauter autour des tables à cloche pied.
Merci d’être là
Merci d’exister
Merci d’être toi.
Prends place
Installe-toi
A cette table qui change de couleurs comme de nappe
Qui se déploie vers l’infini
Portons un toast aux quatre vents du monde
Remplissons nos verres de rimes et de mots
Faisons battre les tambours sucrés
Chantons des airs qui attendrissent
Déclamons des poèmes gourmands
Décrochons des morceaux de ciel et partageons-les équitablement
Goûtons l’odeur des fraises
Titillons nos papilles
Peignons des couleurs qui résonnent
Laissons-nous parfumer par la ville
Embrassons les anges qui ont faim de longueurs
Mangeons des vents qui nous nourrissent
Mangeons au sommet du monde pour oublier la faim
Mangeons des arcs en ciel et colorons nos vies
Mangeons pour célébrer la vie
Quand tout cela sera fait
Que tu seras rassasié
Quand tu auras bu toute la légèreté parfumée de poèmes
Alors toi aussi deviens chevaleresse, héros, combattant.e de la douceur
Brandi ta bannière aux mille nuances
Cette table n’est pas ronde mais n’a pas besoin de l’être
Les principes de la quête n’ont pas besoin de forme géométrique
Ils ont besoin de rondeur
Voici ce que je veux te dire
Il te suffit de t’envelopper de ta cape de puissance
Il te suffit de la rêver pour la sentir
Il te suffit de la sentir pour qu’elle existe
Ta cape est faite de tous les mets du monde
Elle est d’une douceur extrême, comme une peau choyée de crèmes et d’onguents.
Elle est un voile de beauté
Elle est un bouclier rayonnant
Le monde qui t’entoure deviendra ta maison
Virevolte, rit, rencontre, avance
Sème des graines d’imaginaires
Plante en d’autres de reconnaissance
Ne cherche pas à savoir ce que tu dois faire
Joue avec les fruits des mots du monde
Croise des portes aux couleurs multiples
Ouvre celles qui te feront du bien
Boit ton être dans des fontaines d’eau fraîche
Trouve les pépites dans chaque reflet croisé
Respire l’univers
Découvre en l’immensité
Regarde la lune
Fais- toi chevaleresse de toutes les occasions.
Fais-toi chevalier servant des rencontres en tous genres.
Écoute le violon déchirant du temps.
Invente d’autres chemins.
Fais sauter les verrous.
Avance.
Je lève mon verre aux quatre vents du monde.
Je t’invite.