J'ai envie d'être. Je veux savoir. Est-ce que tu peux.
15 ans en avant ce n'était pas sa chambre
Un peu plus loin dans la cour il y a un arbre du vert un chien
Il ne nie la cour ni l'arbre ni le chien
Il n'a jamais choisi de se dire il
Demain il n'a pas réussi à danser jusqu'au bout
Il est une femme
Boum boum boum
Trop de bruit
Boum boum boum
Il en Elle est Eli
Eli est partie avant la fin du cours
Eli s'acrobatie d'un jeu de moi en j'elle
Comme la branche d'une faille de temps
Eli en faille est J'elle
J'elle suis perdue dans les bouquets des tiges de l'il avant de retrouver l'elle
Il faut que j'elle de moi pour voler le vert le chien la cour
Ballade de CorpsTexte
? Entrez dans la danse
Si elle rêve, je cauchemarde en il.
La nuit, des griffes égratignent la surface du palais pour emplâtrer ma langue.
Le plâtre, ça étouffe les consonnes, ça plombe les voyelles.
Le cauchemar s'allonge long dans ma céleste.
J'elle veux l'éventrer ce cauchemar. Le presser en jus de pomme pour rouler dans un autrechemar.
Rouler dans l'antre cauchemars, être engloutie dans d'autres, sautiller et rouler encore encore. Rouler et buller jusqu'à un rêve pour ouvrir porte-réveil.
Ici, pas de jus, on éclate la pomme.
Des hommes en blanc et des femmes en blanc éclapotent tout le jour. Ils éclapotent en verrouière toutes serrures.
Toutes serrures sauf elle. Elle, de celle là-bas, à droite. Celle de là-bas au fond à droite.
Eli m'en pomme par au fond à droite, j'elle la barricade de mousse jusqu'au soir. J'en gomme l'endroit avec oripeaux de tissus qui joinchent autour et jus vais ailleurs loin du fond à droite.
Quand le jour s'épile du soleil, les hommes en blanc se moulent ailleurs aussi.
Les femmes en blanc rondent dans des trappes. J'elle jus ma trappe aussi, j'elle suis seule dans ma trappe.
Tout autour, il y a d'autres trappes. Des trappes d'habitation aussi, comme ma trappe.
Les femmes en blanc rondent, elles crépusculent le thoraxique des hommes d'habitation.
Ce sont des hommes dans des cages. J'elle les pense en cageomme.
Dans quelque part du matin, j'elle a vu un cageomme.
Il s'ébranchait dans le couloir, il déchiquetait ses boucles blondes, il se blaguait en toux hachée. Il saccadait son torse en rampe du sol.
Maintenant, le cageomme est dans sa trappe avec ses boucles et une femme en blanc accroche ses reflets de boucles à un chouchou.
Maintenant, il est l'espace pour brusquer le il de moi, le laisser en clafoutis du lit pour enjamber en j'elle.
Les chaussons blancs se turent, j'elle cours démousser la porte dévérouillée du plus tôt. J'elle arme bras-menotttes et pousse. Pousse, pousse, pousse encore et fort. Ça crisse un VLAN, ça sonne aigu et rouge partout.
J'elle me désencage. La fin du soleil cajole poils, bruisse pieds, braise yeux. J'elle sens les poils, les pieds, les yeux à moi dans l'extérieur. Ici, j'elle sais que « les » sont mes poils, mes pieds, mes yeux. Je laisse j'elle ici et j'avance plus loin. Dans la cour et dans le vert du chien. L'herbe chatouille mes orteils. Je touche d'orteils comme le piano de la terre. Je marche pieds nus dans la savane de la cour, dans le dehors de la vitre de ma trappe. L'herbe me broute chevilles.
Je savane mal, je presque sans jambe, sans bras, sans voix. Avec corps et souffle sans le reste, vraiment sans le tout du reste. A plusieurs fois je flanche dans la terre. Tout autour c'est lumière aveugle et le blanc est en charpie absent. Je m'habite dans l'horizon d'absence avant de savaner pour trouver l'antre des cauchemars.
Mais je ne peux pas savaner.
Une main sourde l'épaule droite de j'elle. C'est la main d'une femme décharpiée du blanc. Femme en blanc des sabots aux dents. Depuis mes entrailles, je deviens une méficience du regard vers elle. Je sais que le rouge aigu a attrapé les femmes en blanc hors des trappes. Elles ont laissé les cageommes, elles ont reniflé les draps clafoutis, elles ont senti l'écume de j'elle à la mousse dévérouillée et elles ont envoyé la main pour lacetiser je dans l'herbe pour l'encager encore. Pour leur groupe de blanc, c'est le précipice de ma garce de fugue rapide au trépas. Le cauchemar me ligote à sa nuit âcre. J'ai mon justaucorps chrysalide d'un cerveau erroné. Si j'elle avais des chaussures, les orteils creuseraient les semelles pour courber l'échine du nez aux ongles et partir.
Je m'embagarre dans ce cauchemar jour nuit, jour nuit, jour nuit. Encore, encore. J'ouvre les yeux, je ferme les yeux. J'ouvre les yeux, ferme les yeux. Ouvre et ferme. Je les éteins très souvent mes yeux. Et encore encore. Dans au présent, on m'a dit « sois une gentille fille ». C'est l'indice pour égorger le rêve et le presser en jus de pomme. J'écoute l'indice, je martèle un sourire au miel sur mes paupières, dans le lit, dans le couloir, sous la pluie qui lave, devant les portes vitres. J'elle sage en gentille toutes les gouttes du jour. Mais on m'entrappe quand même avec la voix dans plâtre murée. Avant de m'entrapper, on me frictionne d'un prénom que j'elle connais. Orphée. J'elle Orphée. Ça horde dans ma tête. Je me pèle Orphée. La horde éclate une autre pomme dans mes idées. Elle écrillarde que peut-être je d'Orphée se lève sans cauchemar et sans rêve. Peut-être qu'ici c'est seulement une pomme, une vraie pomme, sans poison des songes ? Sans poison de sorcière alors. Le peut-être fait remonter mon miel des lèvres sur le toboggan des joues. Ils cristallise de l'eau feu dans mes yeux. Je m'apprivoise en pensées pour ausculter le blanc d'ici et m'ausculter dans le blanc.
J'élastique au poignet qui s'étiquette dans ce blanc. En loupe, je vois fenêtre haute devant. Murs devant, à côté, derrière, partout. Porte fermée, porte fermée, porte fermée. 3 portes, 2 couloirs. Blanc blanc blanc, gris gris. Il ne faut pas forcément des clefs. Il y a des boites à codes devant certaines portes. Je n'encode pas. J'oreilles tournent à gauche, à droite. Trappes à gauche, à droite. Des humains dans les trappes clapiers. Ce sont des cages. Je n'ai pas le droit de passage dans la multitude des trappes couloirs. « Sois une gentille fille », on m'a dit. Peut-être que si je sage j'aurais le droit. Sans le droit, je métrique dans un espace de frontières en couloirs avec des portes qui coulissent. Ici, c'est l'architexture d'une grue avec un C grain de négation. C'est une grue de séparation parce qu'il y a des occupants dans les trappes. Ce sont les cageommes. Ce qui s'occupent de fermer les cages sont des hommes en blanc, des femmes en blanc. Des adultes. Ils ont un déguisement. Tous le même. Identitement blanc. Je regarde mieux. Ce n'est pas un déguisement, c'est un costume. Non. Je béant mes iris mieux. C'est l'uniforme pour s'occuper des cages. Ouvrir, fermer, nourrir, marquer les poignets. Je les dessein homiformes et femiformes. Le blanc d'ici, c'est comme une fourmilière des blancs. Ils sont les fourmis blanches en guerre contre le noir, rouge et les couleurs des autres fourmis. Les homiformes ne parlent pas, ils ne regardent pas dans la cage des femmes. Dans les autres cages, il n'y a que des hommes, des cageommes. Les homiformes leur parlent. Ils ne me parlent pas, je suis une femme. Ce matin, une femiforme m'a dressée sous la pluie de la salle serviettes. La douche était froide. Elle m'a animalisée, j'ai fêlé. Je l'ai fêlée. J'ai fêlé contre elle. Elle a soufflé, elle a fait pire, le bruit de quelque chose de sous le souffle. Elle tintait le jet de la douche, la paume de la douche froide dans la main droite. J'ai eu peur. J'ai encore peur. Je me suis recroquevillée sous la pluie et j'ai fêlé. Après, je nue plus et je fêle un homiforme du couloir. Je crois que ce sont les homiformes qui ont créé les cages et qu'ils y jettent des hommes et des femmes en couleurs à l'intérieur. On m'a jetée dedans. Dans la guerre des fourmis, je suis bigarrée de toutes couleurs. On trappe les couleurs et on jette. Avant de me jeter, on m'a transformé en pain pour pétrir. Plusieurs fois, je me franche de ce lieu. Plusieurs fois, et tout le temps, on m'attrape, on me coupe la route. C'est une route sans panneaux. Une route carbone qui ponce les lettres en poudre pour étrangler ma gorge. Une poudre en craie roche calcaire de type évanouissement des mots. Je ne trouve plus de chapiteau pour construire des phrases en cerceaux de figure. Dans mon cirque de silence étranglé, je suis un mime avec un torrent de pensées. Penser en torrent, me balancer dans les cerceaux, tout ensevelir. Ensevelir tout ici. Sauf les lettres. Je les flaire d'abord, elles se terrent derrière les fenêtres hautes, les portes encodées des couloirs. Alors, je déchire l'espace. Je bascule ici là dès que je le peux, et on m'attrape. On m'attrape encore et toujours encore. On m'attache sans lierre aux couloirs gris, entre le blanc et les vitres. On m'installe dans la finitude de ma trappe. On m'entrappe encore toujours tous les jours et encore. Ils m'étripent dans leur pyramide de sons. A chaque minutes des secondes du jour nuit, je vomis leur pain, j'arrache mes étiquettes au poignet, je suis indomptable en orage. C'est mon ode de la rage.
L'ode ne résonne dans rien d'avant la trappe. Estropiée de ma mémoire, j'ébouriffe mes souvenirs pour sonder le possible de cette pomme. Dans le possible, je dissèque ma cage et son ancrage pour la réalité de je-ré-elle. Côté du matériel, il manque ma chambre, mes boucles de lobes, mes bagues. Il y a une peluche, c'est ma peluche. Ma peluche lapinée qui déserte ma peau de nuit depuis 10 ans, depuis mon départ de cellule familiale. Et ma peluche est là, ici, dans la trappe. Pour sonder, il me faut un repère et fabriquer la situation, la polir et tailler les contours. Il faut contracter la réalité temporelle avec la matérielle puis opérer la situation. L'imaginaire de mon ovale envisage la contracture comme un jeu d'enfant. Je suis lésée dans un nombre de moins de 27 ans. Une grande enfant Orphée qui joue avec la réalité et ses extrémités. Première extrémité : le temps. Seconde extrémité : physique du matériel. Je dessine de jouer avec elles, de les mettre en ressort d'arc-en-ciel. Les ébats des extrémités ressemblent à un tuyau souple que je convulse. Je heurte la réalité dans les ficelles du temps, du matériel et mes cheveux. C'est l'ébauche de la réalité en convulsion. Tapisser la convulsion ici. Il faut ausculter la continuation de l'ébauche en tapissant l'espace. Il y a une grosse boule d'heure dans ma cage, du scotch et des murs blancs. Donc clouer l'espace de moi, dormir, dormir, me réveiller, voir si le moi est encore clouée à l'espace temps et si la trappe s'habille encore d'Orphée. Je cligne des yeux. Je cligne fort des yeux. Mes cils transpercent ma peau pour marquer l'heure, le temps. Mes cils forgent une mémoire corporelle et enregistrent l'heure. Mes dents s'encagent, enivrée de ma respiration j'arrache mes reflets de mèches. Mes cheveux sont sales, ils sont plats. Raides comme mes lettres. Ce ne sont pas mes cheveux. Je les scotche quand même sur un des murs blancs, à côté de la boule d'heure. Je m'allonge, je ferme les yeux, je dors.
5h17 : je réveille. Je sais l'heure, la boule la montre en soubresaut. La lumière alarme une distorsion des murs lentement. Dans l'espace, les éclats de distorsion marque le temps. Dans cet espace du temps, il y a l'empreinte de mes traces. L'espace cage a gardé mes repères : même peluche lapinée, même blanc au mur, même scotch au mur, même reflets de mèches au mur, même culotte entre les mêmes cuisses. Le lieu est cloué - percé - fissuré d'écheveaux d'Orphée. La réalité fond mon réel avec la convulsion de ses extrémités. La trappe est la cage. La trappe est ma trappe. La cage est ma cage. Mon terrier, ma taverne. C'est le repaire d'Orphée. Je me pèle Orphée et ici, c'est mon repaire. Je suis Orphée et je m'étire dans mon corps pour tourner au présent et opérer la situation. Je suis en crise de spasmes, en frénésie du bouleversement de l'heure du clair du noir. Je sursaute immobile de tremblements fixés à un lit qui est mon lit. Un lit ailleurs mais avec plein de même. Il est froid glaciale malgré la saison des éclats de lumière estivale. C'est mon lit d'ici maintenant. Mon lit est surélevé, il ne s'engloutit pas dans le sol. Je crois que le sol repousse jusqu'à mon inscription de l'être. Le matelas s'ondule dans mes affres de triptyques angoisse passion fureur. Angoisse je hante où et quoi ? Passion couleurs voix penser danser encrer absente. Fureur du fracas des lettres.
Dans mon terrier, je bois les heures de l'horloge pour balayer le sens de la taverne. Je ne comprends pas la pomme. Elle rebondit loin de ma géométrie de réflexion. Une géométrie de labyrinthe. Je crois que mon ici et maintenant a l'ombre d'une pomme. La pomme d'une brune parce que Blanche neige est brune. Elle est brune, et elle s'emprisonne dans un cercueil en verre après que ses crocs aient cogné une pomme. Une pomme qui est la mauvaise pomme. Une pomme au poison de sorcière. La sorcière ennuite Blanche neige dans cette pomme jour nuit jour nuit jour nuit. Blanche neige ne voit pas, elle ne voit rien. Elle n'entend rien non plus. Moi je vois tout, j'entends tout. Tout est translucide, en verre abrasif. Le ici et maintenant n'est pas un cercueil, pourtant il m'emprisonne. Il m'empoisonne. Une prison jour nuit jour nuit jour nuit. On me garde derrière les barrières de vitres. On me cache derrières le blanc. Mon ici et maintenant est une pomme en triptyque, qui m'écarte de tout. Je vois et j'entends donc c'est une pomme sans poison de sorcière. Mais c'est une pomme quand même et j'ai trop l'horrible pour la craquer en coup de mâchoire. L'horrible irise mon cœur en coup de ventre bronze, ça tâche ma tête de noir dans mes idées. La contracture du soleil m'affole. Le frisson des lunes m'hystérise. Je suis enfiévrée ennuitée éveillée.
11h17 : la lumière gronde de cru. Elle mange la face. On tire les stores, la lumière bat. Il faut chaud, on encapuche. Il fait froid, on coupe eau chaude. Il fait serré, on enferme. Il fait fermé, on condamne les poignées. Il fait étiquette, on condamne le poignet. Il fait nuit, on dort. Il fait jour, on dort. Il fait bruit, on chute le corps. C'est le couloir du chut silence. C'est l'odeur du plâtre policé. La couche polie des « on » en pas d'homiformes et femiformes. Quand il fait l'heure du faim, on glisse assiette et on dit en sourire « mange », on clipse le bracelet bien au poignet, on ferme la porte, on tourne la clef. Oui, je crois qu'on tourne la clef et qu'on la garde. Tête-assiette, je chasse le goût du brocolis. Saveur dégoulinante. Acide dans cette pomme d'ici nue de cauchemarêve. Je farfouille ma peau avec le brocolis. C'est vert, c'est blanc, c'est jaune entre les doigts de ma main. Ça iceberguise l'étiquette au poignet, ça coule l'avant bras, ça bave le coude. Je puréeise le brocolis et le cache dans ma poche. J'ai peur qu'on vienne me le prendre et qu'on l'emporte sous clefs. Je n'ai pas de poche. Le brocolis tombe par terre. Il tombe au sol, le sol gris, sans terre ici. On a gardé la terre dans la cour du chien sinon la lumière la dévorerait en grappe.
Grappe mortuaire sans raisins, sans pépins. Le bruit a flétri les fruits, il a fouetté l'air. Quand ils bouches mots, je tête rouge aigu du crâne. Rouge aigu de mauvais vin de cuisine. Les homiformes et les femiformes veulent me gastronomie en bifteck. Ils ont déjà émincé ma langue en camouflant l'acrostiche qui pend dans le A.
Anorexique du vocable, je me saoule l'âme d'un cœur frêle tous les jours toujours tous les jours. Pétrifiée dans une chaise-qui-pèse, c'est dans plusieurs rosées que l'homme frêle un peu plus mon cœur. Homme rachitique, en blanc aussi, homiforme aussi. Absence de sa calvitie dans les couloirs gris, souvent. Souvent absent dans les couloirs, seules certaines rosées l'apportent ici avec sa calvitie et la chaise-qui-pèse. Il se calvitie ici maintenant. Entrappé avec moi, le bâton en plume mord son papier avec mon poids.
Mes tissus musqués ne se soudent pas ensemble. J'ai beau mâcher les lettres de mon corps, rien ne beugle. Cet homiforme me marque en fer de sa chaise-qui-pèse. C'est une calculette de mes poils sur ma chair. La chair de ma peau s’enlaidit enflée-bleue-violette-rose-rouge. Elle ne ressemble pas à un masque d'été. Elle ressemble au blanc boursouflé des neiges. Avant cet homiforme à chaise, je me croyais être prise comme un rat. Avec la chaise-qui-pèse, je me sais prise comme une vache dans le cuir nuit de ses doigts en calcul. L'arithmétique du poids pour cuire en bleue, tendre, à point.
L'arithmétique du rachitique devient moins cuir dans les mêmes rayons de la journée, des heures plus loin. Des heures plus loin, une femiforme s'entrappe avec moi. Elle blablabla trop. Trop de grappes de sons en boum boum boum. Elle s'hoquette d'une longue raie de logos. Vacarme vacarme vacarme. Je dérobe mes oreilles dans ma camisole d'habits. La femiforme me cajole d'une main sourde sur l'épaule droite, ses sons de bouche s'abattent en silence. Mes dents crispent un sous de rire en bas des pommettes. La femiforme prend la forme d'un délit en tresse. Elle me tend aussi en dresse quand elle reste là, avec moi, en silence d'étoiles. Avec elle, je sais que je me pèle Orphée, et quand je veux du chaud, elle me couvercle de laine. En geste, elle montre plusieurs fois comment faire ma porte béante pour clapoter dans le gris des couloirs. Il n'y a ni clefs, ni codes. Il me suffisamment de coulisser la porte. C'est ça mon droit de passage. Elle glisse dans le couloir comme glisse la pluie qui lave. La femme en blanc s'arrondit parfois la bouche doucement, elle répète « Orphée » et « chambre ». « Bonne nuit Orphée ». « Dors bien dans la chambre ».
9h17 : Le surdemain, je taverne dans ma chambre longtemps et pieds talon-pointe. Je cherche une frappe rythmique dans ma chambre en talon-pointe. Talon-pointe. Talon-pointe. Cheville arabesque et talon-pointe. Arquebusée au clou du lit, je fractionne l'uniforme blanc. L'uniforme blanc des hommes m'absentise. Celui des femmes me brosse les dents en maquillant les cheveux. Pourquoi je m'absentise dans le blanc des hommes ? Vers le soir du matin, avant l'heure du faim, j'ai bouletté un regard dans la salle blanche des homiformes et femiformes. Cette salle ne miroite pas comme la salle serviettes de la pluie qui lave. A l'intérieur, il y a du papier, des rectangulaires pour boire de l'eau chaude et fraîche, des clapiers de métaux pour noter ce qui se passe. Le bruit du rouge aigu vient souvent de cette salle. Il y a aussi un jet d'appel, on parle dedans et on colle l'oreille pour écouter. On hoche souvent la tête. Sur les murs, je vois des signes dessinés qui se fondent dans un ordre noir. Signes noirs sur murs blancs. Non, regarde mieux. Signes noirs peints en chine sur affiche blanche à l'ancre blanc du mur. C'est comme un écrin adossé au mur qui tire la pomme. Je crois que cet écrit tire se mouche dans une autre langue. A ce moment de mon boulettage des yeux, il y avait majoritairement des homiformes. Ils jouaient aux cartes, ils battaient dans un mélange le tas. Je crois qu'ils entortillent ma langue comme l'As dans le trèfle. Ils ont gardé toutes les cartes. Ils m'anéantissent de moi-même alors j'ai anéanti la réalité. Je ne peux pas faire de paire pour parler. Je crois que les lettres sont enlisées dans les cartes. Pour faire un mot, on fait des paires. Je n'encarte pas, absence de paires. Les mots grimacent loin. Le lit me baille souvent, je coule bientôt dedans en clafoutis qui fane de cerises l'été. Je rame doucement vers le clafoutis mais un homiforme tourne ses tempes à mon écaille. Il s’essuie de lèvres chatoyantes vers moi. C'est amitiable. Plus tard, après les cartes, il a parcheminé sa roque dans ma chambre. L'homiforme a coulissé la porte de ma chambre et il est devenu un homme en blanc. Henri. C'est Henri qui a coulissé ma chambre après les cartes. Henri montre sa tempe et ma tempe, son sourcil puis mon sourcil, il montre encore au dessus du sourcil et mon au dessus à moi. Henri tisse en fil pour demain entre lui et moi. Les cartes m'ont désabsentisée. Les homiformes et les femiformes ressemblent toujours à des fourmis d'hommes et de femmes en blanc, mais ils cachent leur prénom dans la salle des cartes.
Demain poursuit ma chambre avant l'arrivée d'Henri. Après le chuchottement du thé en rivière de gorge, Henri s'enbonjourise de moi. Il parachute une tendresse sourire et geste de moi sur lit. Alors je moi sur lit avec le miel au coin des lèvres. Comme hier, Henri parchemine avec sa voix et un autre homme en blanc rentre dans ma chambre. Phil. Phil est encore un homiforme. Phil, mon corps n'aime pas. Dans une ancienne journée, il a porté mon corps et l'a froissé dans un drap pour cacher mon nu du couloir. Alors mon corps s'imprime qu'il n'aime pas Phil et du feu d'eau couleurise mes yeux. Je lit quand même parce que Henri sourit. Il sourit mais ses yeux claquent ses dents. Ils posent ses mains sur moi, elles m'aspirent de force. Henri, il n'a pas de cheveux. Il ressemble à du lisse comme la boule de l'heure. Phil se pose d'un corps cheveux grimés plus grand et long que moi. Phil, c'est aussi un homiforme qui jouait aux cartes hier. Aujourd'hui il pleure aussi d'un sourire doux. Il me regarde depuis mes chevilles avec ses doigts qui épousent ma peau aux draps. Je suis Orphée en liens encharnés. Je souviens de la roque hier : tempe, sourcils, au dessus. Et là, maintenant, rouge aigu. Tempe, sourcils, au dessus. Rouge aigu. Ça rugit dans moi de tête en rouge aigu. Mon cri s'encage, emmuré dans une voix de gorge. Il tire. Henri tire. Il tire encore. Ça ne sort pas, ça ne sort pas. Non, ça ne sort pas du crâne, il faut couper. L'autre lui dit quelque chose, il lui montre quelque chose posé plus loin, sur une table. Oui, Phil parle à Henri et pointe un objet du doigt. Un objet coupant qui peut couper. Les yeux qui claquent des dents partent le chercher. Oui, c'est Henri qui empoigne le coupant. C'est gris, ça a l'air froid et piquant. Henri sourit en plantant ses dents blanches dans ma vitre de regard. Je grand peur d'Orphée, je veux me retourner, courir et crier. Je hurle dans mon silence, je veux me dépossède. Mais si je dépossède, j'ai crainte de tomber dans l'abysse et mourir d'abîmer encore. Alors l'objet plonge, tricote ma peau, scalpelle les tissus, coupe et tire. Ça sort. C'est sorti du crâne. C'est sorti de la racine du crâne, au dessus du sourcil droit. Une chanson plane sans bruit entre nous trois. Entre Henri, Phil et moi. La musique se dissipe entre le soulagement d'Henri, celui de Phil, et mon naufrage aux draps.
3h17 : je sors du naufrage. Tout à l'heure, c'est sorti du crâne. Je suis sans rouge aigu. C'est sorti du crâne et je suis sans rouge aigu. Je souris douceur miel aux lèvres. Peut-être qu'Henri et Phil ont limé le bois qui effritait les lettres ? Non. Non, je goûte encore le bois. Non parce que je baille encore le lit des mots amputés.
Aujourd'hui, une cascade d'eau tiède sur ma peau. Je pluie mon corps seule dans la salle de bain. Je me chambre et me brosse les dents seule. Pendant que je crachat le dentifrice dans l'évier, un tréteau roulant s'agrandit dans ma chambre. C'est un homme qui se fauteuil. Il se fauteille toutes les heures des jours. C'est mon voyan de trappe. Non, j'opère les mots : on dit « voisin de chambre ». J'ai entendu son prénom. Les infirmiers le pellent Alain. « Infirmiers », c'est le nom des homiformes, des hommes en blanc. Des Henri et Phil. Il y en a plusieurs. Les femmes en blanc ont ce nom aussi, mais il faut appuyer sur le « R » à la fin du mot. On entend comme le son d'un loup qui grogne. Les roues du fauteuil ne roulent pas bien ici. Elles s'empierrent dans le gris du sol et Alain s'encorne contre le blanc de ma chambre.
– On est. Où est la girafe ?, balbutie le menton d'Alain.
– Ça ne se girafe pas ici...
– Non ? Si. Si ! Où est la girafe ? Peut-être que pour toi, c'est plus petit que ma girafe. Peut-être qu'elle est encore avec les dés du mort.
J'esquisse une réponse mais il y a un voile dans ma gorge. Henri et Phil se patissent parmi nous, et ils s'éloignent tous dans les pierres d'Alain.
Plus tard, dans les étoiles du jour avant la nuit, elle toque à ma porte. Je ne la connais pas. C'est une femme en blanc aussi. Mais elle n'est pas infirmière. Non, cette femme en blanc n'est pas infirmière. Elle ne s'infirmise pas. Au début, je m'infirme d'autant plus avec elle. Elle s'appelle Agathe et ce jour, elle me cherche. Nous clapotons dans le couloir vers une salle qui n'est pas une chambre. Je connais la salle. C'est ici la porte dévérouillée que j'ai moussée un jour pour barbouiller le rouge aigu partout.
Agathe, petit à petit, elle a rendu douceuil mon moi des lettres. Deux ans plus tard, autour d'un verre de vin blanc sec, je comprends que j'ai contacturé doux et deuil en douceuil. Deux ans après, deux verres après, j'en souris. A ce moment là, celui du douceuil sans décider de la contracture, le sourire crapahute loin et je conscientise que j'infirme. J'infirme vraiment depuis des semaines d'heures en mois. A ce moment là, je voulais surtout déambuler mes ongles sur le visage d' Agathe. Mes griffes entre ses dents, une marre de bave dans sa gorge. La première rencontre avec Agathe a allumée la flamme des autres dans ma situation de pomme. Je comprenais que l'eau de la veille c'était des larmes, et qu'elles étaient réelles, qu'elles racontaient quelque chose. « Reviens, reviens » en larmes . Des pleurs, une voix. Elle appartient à mon amour. Les pleurs aussi. « Reviens, reviens ». C'était un 16 juillet. J'ai rassemblé le peu de lettres que j'avais pour lui promettre que oui, je reviendrai bientôt. C'est à ce moment là, au moment de la première rencontre en salle d'Agathe que je réalise le poids de la promesse. Mon amour pleurait la veille et je devais revenir. Revenir d'où ? Revenir de ?
Pour revenir, il faut comprendre. Étendre le linge des souvenirs, se glisser dans un thé vert et penser devant la fenêtre de la cour, du vert du chien. Une question, des questions. Qu'est-ce qu'il est arrivé ? J'ai mal au bras droit, pourquoi ? Qu'est-ce qu'il est m'est arrivé ? Avec Agathe, j'ai oublié le nom des images qu'elle agite devant moi. Les images montrent un dindon et une framboise. Je ne sais ni le dire, ni l'écrire. La salle d'Agathe s'illustre en touche d'escrime. Les mots s'enfuient en pointes tranchantes. Un jour, je lance ma lame et j'ai une touche. Il y a un échafaudage de lettres de ma poitrine à ma voix, de ma langue à mes doigts. Je forme dibron, frarneboise. Je rêve d'une réalité dans une basse cour, j'imagine des paons de la réalité pour la déplumer. Fière de l'encre en bic, un stylo danse dans mon carnet tous les jours après ces traces. Moi assise devant la fenêtre de la cour du vert du chien, un stylo dans la main droite. Je manigeste avec ce stylo à main devant ma fenêtre. J'étoffe un compositeur de la décadence que je vis sans la comprendre. Je la perçois seulement, comme une illusion. Il faut infractionner l'illusion pour me tordre en résonance de soi-ici. Je m'inscris aussi dans « je vais écrire chaque jour pour savoir bien lire et dire les choses. Parler à tout le monde. Orphée tu dois aller bien ». J'écris aussi « qu'avant je ne sais pas que je câlin mon amour pourtant sa peau je dune dessus avec aimer ». J'écris encore « je ne sais pas ce trou que j'ai. Que j'ai eu. J'ai un vrai trou dans la tête. J'ai écrit presque bien. J'irai bien plus encore et je reviens ». La journée s'assombrit vite dans les rides du soir. Je cabriole de tempe à coussin, de casque à agrafe, de chute à la châtaigne.
5h17 : je trébuche dans un réveil. Le souvenir du menton d'Alain aboie, je le mastique plusieurs fois. « Peut-être que pour toi, c'est plus petit que ma girafe ». Je mâchouille « le plus petit que la girafe » et il y a des morceaux marron-jaune dans ma crevasse de langue. Des morceaux en girafon. Au fil des pas, au fil des petits déjeuners, je crois que la semaine s'est défilée dans l'embrasure du joyeux an d'Alain. Des personnes sont entrées dans les couloirs, elles les habillent de couleurs. Il y a des hommes, des femmes et une miette de femme. C'est une petite perle de femme qui écrabouille les centimètres de ses 2, 3 âgés. Les mots s'emmêlent encore, mais grâce au coupant d'Henri et Phil, j'imagine mieux ce que je sculpte des yeux. Je fais mieux deviner. La petite perle tient une autre perle dans la main. Elle tient une perle de girafe plastique entre ses doigts. Mon souvenir aboie encore. Petite perle de femme balanstique sa girafe. Elle la balanstique sans cesse. Quand on la lui rend, elle la projectile encore et encore. A chaque fois que les adultes hauts de centimètres lui donnent, elle balanstique la girafe. Alain grogne ses mains ensemble et rit. C'est un spectacle. Petite perle de femme sourit fort aussi. Les couleurs de visite rient aussi. Je les entends, ils disent « pauvre Sophie ». La perle de girafe s'appelle Sophie. Oui, pauvre Sophie. Elle est comme une éclaboussure entre les rires, les doigts, le sol. C'est une pluie de cendre sur la terre grise.
Ce spectacle ne m'a pas invitée à l'aimer. Sourde de moi même, je pars chasser la nuit dans mes draps. Dans le crépitement de la nuit, je vois un nuage, un girafon, un mort. Ils sont tous les deux morts. Il sont morts mais ni ensemble, ni en même temps. L'homme et le girafon sont ensemble sur le nuage, mais des poussières de siècles les séparent. C'est la mort de l'homme qui a semé les graines du nuage. Il pousse encore en ce moment. Quant au girafon, il est arrivé hier sur le nuage. Il est tombé hier de la fente mère. Une chute de 3 mètres. La chute puis le nuage. La vie de cet animal s'ouvre à un bal hérissant dès la naissance. Une danse avec des entractes, des variations de la vie, de la mort, la vie, la mort, vie, mort. Imaginez l'accouchement d'une girafe. C'est terrible : une chute sans parachute. La girafe fait ce qu'elle peut, elle fait de son mieux. Elle écarte les pattes. On dirait une ballerine dans ses sabots. Imaginez-la écarter ses pattes de toutes ses forces. Son corps devient une arcade. Elle les écarte parce qu'elle ne sait pas les plier, elle n'a pas de genoux, elle n'en a jamais eu. Personne ne le lui en a fabriqués. Enfin, si. Oui, elle en a des genoux, mais ce ne sont pas des articulations d'accouchement. Alors elle fait de son mieux et elle écarte les pattes. Elle écarte, elle devient une arcade, elle halète, elle pousse. Pour penser à l'accouchement d'un girafon dites vous qu'une girafe c'est un escabeau, une échelle. Sans escalier, sans corde, sans barreaux. Alors, quand elle met bas, elle risque de mettre à bas son girafon s'il ne sait pas faire de rappel dans sa descente en vie. Le girafon d'hier ne savait pas escalader du placenta. Le sol l'avait cueilli, son sang abreuve encore la savane. Comme 3 girafons sur 10, il se réveilla sur notre nuage auprès de l'homme mort. L'homme mort l'épiait depuis que la girafe mère s'escamotait pour sa naissance. Le monde des girafes fascine l'homme mort. Il le fascinait depuis l'entièreté de sa mort. L'homme mort s'est effondré doucement pendant 12 ans. L'esprit commença la chute, le corps résista quelques temps puis il libéra sa vie d'une mort. Vous le saviez vous ? Tandis que son épiderme l'attachait à son corps, une apoplexie broyait l'esprit de Nietzsche. Et dans partout, et dans tout le monde, on arguait que Nietzsche était fou, que ses veines suintaient un sang qui le noyait dans les étaux de la folie. Nietzsche c'est l'homme mort sur le nuage avec le girafon. Il navigua plus de 10 ans dans les rives de sa peau avant de s'échouer. Pendant plus de 10 ans, il tituba en naufrage pour ternir assis dans les variations de ses morts. La dernière l'avait séduit. Dans cette mort, il jonglait dans ses synapses sur un nuage cotonneux. C'est celui-ci, c'est notre nuage. Il s'était moussé à la renaissance de Nietzsche dans le bruit de ses morts. Un bruit, un crac, une brise. Sombré de lui-même par une rupture moqueuse. Moqueuse et lacérante d'une artère cérébrale érodée en piquants. Nietzsche avait vécu en philosophe, il s'y éternisait dans cette mort. Le philosophe étendait une toile d'observation depuis le nuage et trônait sur le royaume des commotions cérébrales. L'invention d'un jeu s'était immiscé dans ses jongleries pour parer l'ennui. Au fil du temps, Nietzsche se lassa d'espionner les humains, de jouer avec eux. Alors un jour, il guetta ailleurs, vers une savane. Une savane vide d'hommes, vide de femmes, pleine d'arcades marron-jaune. Le marron-jaune, en plissant les yeux vous vous figurez les girafes. Nietzsche plissa tellement les yeux qu'il s'en cerna. Il développa une obsession viscérale pour cet animal. Il écorchait leur monde, il le transformait en ananas pour l'éplucher, le couper dès les naissances en commotion. Cela faisait quelques centenaires que le philosophe fronçait moins les rétines face au monde des girafes. Il avait eu peur de changer encore une fois de variation de mort. Et Nietzsche, il aimait bien cette mort et ce nuage. Maintenant, c'est un peu son nuage. Alors il observe et il joue tendrement, délicatement, comme un marionnettiste.
Hier, le philosophe a sorti sa mallette de jeu en accueillant le girafon. Une petite mallette, une boîte que vous pourriez balader dans une poche. Une poche coffre fort qui renferme un trésor de possibles. La boîte abrite le jeu que Nietzsche mijote depuis des siècles. Le jeu consiste à créer un possible retour à la vie. C'est un jeu qui se décompose en dés. Nietzsche lance les dés, et à chaque jet, il déploie le jeu dans une question. Il n'y a qu'une seule question. Une seule, que Nietzsche lance aussi. Il la lance comme les dés de la boîte. Elle se retrouve devant l'autre, l'autre qui campe sur le nuage, puis il l'explique avec les dés. C'est la question de l'éternel retour. Dans ce nuage, il inverse les termes pour teinter la question de coton. La peinture envahit la question qui s'embellit et danse en retour éternel. En réalité, ce jeu existe uniquement grâce à cette question. Une question fermée. Seule réponse acceptée « oui » ou « non ». Lorsque le philosophe saisit sa boîte à dés, il demande à l'autre du nuage « veux-tu entrer dans la danse du retour éternel ? ». Puis il harponne un dé et le lance. Le dé court sur le nuage. Pendant sa course, la question déferle dans la voix du philosophe. Dans ce premier lancé de dé, Nietzsche explique qu'il est possible de retourner dans sa vie, de la vivre encore, et dès son commencement. Une vie qui s'articule et se façonne dans la stricte exactitude du vécu. Dans une vie déjà vécue, forgée par le passé. Joie, bonheur, peine, malheur, les mêmes. En somme, c'est une vie qui se ressemble, un disque rayé aux mêmes endroits ; et le mouvement de l'être n'y fait rien. L'immobilité du destin mastique chaque parcelle de peau. Une vie caoutchoutée avec elle-même et dans elle-même. C'est la valse statique d'un murmure de répétitions. En fait, il s'agit de replonger dans une vie qui aurait les même contours, les mêmes sensations et odeurs psychiques. Une vie qui serait son propre reflet, une sorte de passé embouclé. A la fin de cette présentation, Nietzsche s'empare d'un autre dé et le lance. Ce deuxième dé court, roule, court, roule encore encore et encore. Il ne croise ni virgule, ni point dans le nuage, alors il continue sa course. Selon le philosophe, ce dé dénonce le bannissement de toute réminiscence de ce choix du retour éternel dans la vie. Effectivement, le dé paraît s'enfuir de l'espace de la question. Il part loin de Nietzsche, loin du girafon. Le dé fait comprendre que l'oubli de ce choix envahira la pensée d'une personne, d'une girafe, d'un girafon. Donc, il faut aussi se décider sur l'oubli. Ce lieu nuage, l'homme mort, la question, tout s’abolira dans la renaissance de l'être. Au premier lancé, le girafon apprend qu'il est né il y a plusieurs heures, qu'il est tombé de la hauteur de sa mère. Une chute de 3 mètres. Sa mère est grande. C'est une grande girafe, même dans le monde des girafes. Il est tombé de sa mère au sol. Un sol sculpté de pierres mais peu d'herbes. Il y avait beaucoup de pierres, de cailloux, de sable. Beaucoup de soleil aussi. Mais peu d'herbes. Il faisait doux, le girafon a humé l'air et le soleil dans le marron-jaune de sa mère ; puis ses yeux l'ont voilé à la vie et sa chute l'a guidé sur le nuage. Nietzsche cueille ses dés, il souffle sur leurs faces pour égarer le coton, il interroge encore le girafon « veux-tu entrer dans la danse du retour éternel ? ». Mais le silence réduit le nuage, aucune réponse flotte. A la place, notre girafon questionne Nietzsche du museau, il s'approche de lui et ses dents tirent la boîte à dés. Le girafon a raison, il reste un troisième dé dans la boîte-coffre. C'est le trésor de Nietzsche, son secret de jeu. Le philosophe sourit en commentant le recèle du girafon : « oui, c'est le troisième dé. Il a une fonction aussi ce dé. Ce n'est pas un dé pour les girafes. C'est encore moins un dé pour les girafons. C'est un dé pour les autres. Les autres qui viennent parfois sur le nuage. C'est un dé pour les humains. Tu vois, ce n'est pas un dé pour toi ». Notre petit girafon clignote des yeux, ses narines se gonflent d'une profonde respiration, il exhorte Nietzsche de présenter le dernier dé. « C'est la peau carrée de l'hésitation. L'hésitation qui emprisonne et ronge un être dans l'élaboration de son choix à un retour éternel. Je peux bloquer une personne dans ce dé, si elle le souhaite. C'est un dé d'observation du passé embouclé. Certaines personnes paniquent en pénétrant dans le dé, elles sortent vite. D'autres méditent et réfléchissent longtemps ». Nietzsche relève la tête, il scrute le girafon et réitère sa question : « alors, est-ce qye tu veux entrer dans la danse du retour éternel ? ». Le girafon fixe le troisième dé. Il regarde Nietzsche, il regarde la boîte-coffre, et il fixe le troisième dé. Vous comprenez, ce petit girafon, notre petit girafon, il s'installerait bien dans ce troisième dé pour réfléchir à son possible. Le philosophe comprend aussi. mais, normalement, les girafes ne peuvent pas être dans ce dé. Normalement, elles ne veulent même pas y être. Pourtant, notre girafon veut y être lui, dans ce troisième dé. Nietzsche sort le dé de la boîte-coffre, une personne a souhaité se séjourner depuis l'intérieur du dé. L'homme mort secoue le troisième dé, sa moustache sourit « Alors ? Il faut l'espace, tu as choisi ? Tu veux rentrer dans la danse ? ».
11h17 : dans ce réveil, je m'éveille de ces dernières semaines. J'habite ma peau, ma tête. Je peux m'incarner dans une façon d'être pour accueillir mes questions, les dessiner, recevoir les réponses. Recevoir les soins de cet endroit, accueillir la rééducation de ces murs dans les cordes de voix. On m'explique que je suis dans une serre de fleurs qui se nomme clinique. Mon aura pousse dans les pétales d'un centre de réveil. Pour arroser ma pousse, plusieurs jardiniers et jardinières se relaient; ce sont les personnes qui cultivent les auras des chambres. Dans cette serre de clinique, je suis une patiente. Une patiente qui ne veut plus l'être parfois, alors je deviens une patiente avec une ode de rage.
Aujourd'hui, Alain s'encorne une nouvelle fois dans ma chambre. Avant de l'aider à rouler dans la sienne, ma voix bruit qu'il avait raison. « Pour moi, c'est un girafon et cette nuit il était encore avec les dés du mort ». Alain stoppe son fauteuil, il s'orne du plus beau sourire que j'ai vu dans ces dernières semaines. En début d'après-midi, sa famille vient lui rendre visite. Il y a aussi sa petite-fille, cette fillette ne doit pas avoir 4 ans. Elle tient encore sa petite Sophie entre ses bras, elle la ballade partout. Et, encore une fois, elle s'imagine dresseuse de la petite Sophie. Pauvre Sophie. Elle redevient une éclaboussure, une pluie de cendre sur la terre grise. Grise de commotion. Je susurre l'odeur de la colère devant la myriade de vies en chutes de Sophie. Elle chute sans parachute. Je sens du rouge aigu consumer les vaisseaux de ma peau, ébranlait mon squelette, mes poils, aliéner ma psyché. Chacune des chutes ôte Sophie d'elle-même et de ses entours. Les lettres ne pourront pas traverser les vitres. Elles resteront derrière les fenêtres, de l'autre côté. Les mots ne pousseront plus dans les couloirs, entre les murs. Ils seront dehors, se seront des petits pois sans cosse. Je fige Sophie dans les chutes et les barrières des mots. Je défigure la colère, elle s'irise en tristesse. La fillette balanstique Sophie à côté de moi, son cou s'atrophie à mon pied. Je m'abaisse les vertèbres, la nuque s'accroupit dans mes cheveux, mes genoux sablent le sol. Je cueille Sophie dans mon arche de paume et je déroule le corps. La fillette me regarde, les autres aussi. Silence de chute. Je décide que Sophie cheminera dans le troisième dé. Alors, je saisis cette petite girafone et la pose haute de ses échelles. Sophie est stable, droite d'équilibre sur le sol. On me regarde encore. Je ne dis rien et je m'exile dans ma chambre, devant la cour le vert du chien. Je sais qu'Alain comprend, je n'ai pas besoin que les autres me comprennent. D'ailleurs, je n'en ai pas l'envie. Laissez-moi tranquille, laissez-moi seulement tranquille avec un carré de chocolat, du miel et un thé dans la serre.
Des heures passent, des jours passent, peut-être des semaines et d'autres et d'autres. Des couleurs de visite viennent me voir aussi. A chaque vibre de voix, j'ouvre ma bibliothèque d'écoute. L'écoute, elle ressemble à une bibliothèque avec de vieux volets. Quand il y a du vent, qu'il soit doux ou brusque, les volets giflent. L'écoute me gifle en tirant l'attention. J'ai l'impression d'avoir constamment un archet vissé dans mes cheveux. Mais je veux ouvrir la bibliothèque pour comprendre mon histoire et revenir. Alors j'ouvre la bibliothèque d'Orphée et j'écoute mon histoire.
L'aventure commence dans un magasin au cours Julien, à Marseille. On m'a conté qu'Orphée était accroupie et qu'elle a battu le rythme avec l'index. Il s'est déplié, loin devant, sans le pouce. Une impulsion sur le gris froid, frêle et droit puis c'est parti. Ça tourne. Ça tourne. Les rayons capturent toute son attention, ses pupilles aussi. Ça palpite comme des flammes, et ça tourne encore. On dirait une armée de fourmis qui escaladent, torches aux antennes, pour tout enflammer.
– Alors, tu le prends ?
– Oui, oui. Pardon, je regardais juste la roue.
– 450€.
– Ah. Et, il y a tout le vélo avec la roue ?
Orphée sourit. On ne sait jamais ce que peut faire un sourire, une tresse brune et des boucles d'oreilles sur un prix de vélo. Chez le vélo-ciste, la tresse aux lèvres produit l'effet rictus aux yeux, mimique de prince charmant.
– 400 mais en cash.
Orphée jubile de sa victoire. En partant retirer, elle se retourne vers le vélo-ciste pour sourire encore. Après tout, ils avaient été deux à jouer. 400€ plus loin, Orphée pédale la tresse au mistral, les rayons en soleil tournent et tournent encore dans les roues. Pas mal du tout ce vélo. Vintage bleue-mauve, sonnette noire, sacoche violette. Pas mal du tout ce NADEO. Pendant plusieurs mois NADEO baigne les pensées d'Orphée dans sa confusion originaire. Ses roues la séparent des entours, des autres, des « pas soi ». Elles les décollent même du sol. Orphée s'imagine voler dans ses chaussettes. Pendant 6 mois NADEO roule au travail. Il roule partout du matin au soir. Souvent, il roule loin des personnes qui regardent seulement la tresse brune. Mais il y a ce jour.
Le jour d'un réveil et d'un retard.
Un thé brûlant, une langue brûlée.
Un escalier, 3 étages.
Des marches dans chaque étage.
Des marches longues, immenses, et lentes.
Un vol dans les chaussettes.
NADEO, un caillou, un soleil, un trottoir.
Une nouvelle nuit 17 minutes après la langue brûlée.
Je ferme la page de mon histoire, elle n'est pas finie. Alors je pars écrire la suite dans la salle de rééducation, celle au fond à droite du couloir. Une avalanche de lettres arrive. Je m'alphabétise. Agathe m'alphabétise. Je muscle les phonèmes dans ma bouche pour prononcer, énoncer, m'annoncer dans le flot du bateau mouche de la poétique sociale. Après les étirements des mots, je fane encore en clafoutis dans mon lit. C'est mon bas de concentration. Dans mes songes éveillés, je m'estompe doucement dans les draps en quête d'une étole en rance. L'errance de mon esprit sur la mémoire, l'attention, les bruits, les lettres, les phrases est un ping-pong de céphalée chaque jour. Chaque jour. Et, chaque jour, avec Agathe, j'ai l'impression d'être un forgeron qui enfonce une enclume. Je suis aussi l'enclume, et je tape fort, mais la forme s'échappe souvent. Elle m'esquive, ou j'esquive ce qu'elle m'indique, ce qu'elle donne à voir aux autres.
15 ans après, la boîte crinière s’essouffle encore dans la musique des voix et la poétique des corps.
Je me demande si j'habiterai le nuage et le troisième dé la prochaine fois. Est-ce que j'ai déjà demandé à l'homme mort que subsiste-il de moi dans l'accident ? Que subsiste-il de l'accident dans moi ? Les mots s'entrechoquent encore, mes idées s’entremêlent. Ils scintillent dans l'abstraction de la vie en boucle. S'il y a des trappes en cages, le stylo danse en fourmi bigarrée pour s'évader.
textes issus d'ateliers d'écriture animés par Martin Chabert