C’était l’hiver. Alors que j'étais à la recherche d’un poêle à charbon pour réchauffer mon espace de vie, avec quelque chose d’un peu vieillot, je fus saisie par une image et une scène étonnante : une jeune femme avec une chatte dans son sac à main, entrait dans le magasin où les flammes d’un appareil de chauffage avaient retenu mon attention. Que venait-elle faire là ainsi accompagner ? Minette était le nom de l’animal inscrit sur le sac à main… À cette appellation qui ne prêtait pas à confusion, était associé un autre nom Tinou. Pour moi, il n’y avait aucun doute. Ce deuxième nom était celui de la jeune femme, maîtresse, incontestée et incontestable de minette.
Tinou, Tinette, la Tinoune, la fille facile, la granduche, la blondasse du coin de la rue, la matronne, la patronne, la yeux bleus amandes, celle du 54 rue Andre Antoine, la bonsoir c’est combien,
Fille des rues, des trottoirs, des pavés, des on l’aime bien, Tinou, elle est si belle et si gentille, on l’aime bien qui ça ? La Tinou où ça ? À Pigalle !
La vie nous réserve des surprises comme on ne l’imagine pas.
De quoi faire fleurir son imaginaire et se laisser capturer par du déjà vu dans un espace de temps, oublié en apparence : l’avant ailleurs des psychanalystes. Pour moi, Minette et Tinou étaient les personnages d’un conte de fées, de ceux que j’aimais écouter quand j’étais enfant.
Tinou n’était elle pas une fille des rues abandonnée à la recherche d’un prince émerveillé par ce duo ?
Que venait faire dans ce magasin ? Le vendeur apparemment non surpris de la voir entrer dans son espace s’adressa à elle avec gentillesse. Alors Tinou, comment va la vie ? Et qu’en est-il de votre recherche d’emploi là où Minette sera accepté son rejet possible ? La Tinou en question n’hésita pas une minute avant de répondre à cet homme bienveillant.
Hé Tinou !!!
Elle est où ta petite chatte ?
Elle s’est pas perdue depuis le temps à courir les rues et les rats ? À choper tous ceux qui traînent, à force des miaou-miaou voisins ? Elle aura attrapé la gale qu’elle te sera toujours fidèle ! Et Tinou, tu dis rien, elle est où ta chatte ?
Rien jusqu’ici, mais seriez-vous suffisamment aimable pour m’accueillir là où les flammes réchauffent sans avoir à craindre d’être brûlé vif ? C’est l’hiver Minette et moi, nous avons froid et faim.
Surprise et émue par cette scène moyenâgeuse, temps où l’on brûlait les sorcières ou des prétextes fallacieux, je fus hypnotisée, parce que le hasard me faisait vivre.
Dans un élan généreux, mon âme humaniste ne met pas longtemps à se réveiller. Dites-moi Tinou, seriez-vous partante pour une entrée dans ma maison ? J’ai besoin d’une aide ménagère et je n’ai rien contre le fait d’accueillir Minette, la chatte des rues qui vous accompagne avec amour. J’aime les animaux et verser une somme chaque mois à l’association de 1000 millions d’amis.
Tinou est armée jour et nuit,
Son sac à main, c’est son nunchaku,
Dedans y a sa vie et une pharmacie.
Des gels, des vaselines, des crèmes hémorroïdes, des mouchoirs, des lingettes, des fins de bâton de rouge à lèvres rouge Yves Rocher, et puis sa précieuse collection :
Durex nude sans latex et orgasme intense x 10
Reflex condoms Magnum XXL,
Manix endurance longue durée
Skin Elite
Durex Performance Booster.
Son sac, c’est sa vie, si tu lui prends, tu meurs à coups sûrs !
Son sac, c’est sa hotte de Père Noël, son arche de Noé, sa bouée de sauvetage.
Tinou, comme réveillée d’un beau rêve, s’approcha de moi et se jeta à mon cou pour me remercier. De ce temps, naquit une nouvelle association, celle des chats, thérapeute pour les vieilles dames à la recherche d’amis sûrs !
Rien n’est jamais fini… La vie n’est que surprise… « Ils m’ont donné le droit d’écrire » sans me faire jeter ni prendre de risque… avançons. Vers l’édition ! Il n’est jamais trop tard. « Osons l’hypnose » je me choisis.
Tinou fille des rues, pas fille facile.
C’est pas le tarif boulevard de Clignancourt ici.
Ici, c’est en cash et en liquide, t’as compris ?
Pas d’ardoise laissée,
Pas d’emmerde assurée.
Tout augmente même Tinou.
Tinou, c’est gâche de qualité et tendresse en Suisse.
Tinou, c’est le poêle à charbon de sa mémé, la liseuse au crochet de sa mère, le violon de son père accroché tout en haut du mur, près du chapeau de mariée. Tinou, c’est la vie meilleure, c’est bientôt…
L’été, c’est la tournée des grands ducs en Volkswagen rouge avec le régulier.
Août, c’est la pause bien méritée.
Tinou ferme les yeux et voit sa vie comme elle l’aurait rêvé, étoilée.
textes issus d'ateliers d'écriture animés par Martin Chabert