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Une minute, par Emmanuelle Hardy

Jeanne noire et blanche lève une, deux paupières (hésitante) vers un homme, peut importe lequel, des minutes, vil. Que disent les minutes ?


Jeanne est blanche, ses lèvres ne se ferment pas encore, sèches, bouche crevassée.

L'air, encore, arrondit ses narines.

La gorge se dilate.

La paupière sur l'iris d'eau décille. On croirait une vague.

Depuis la poitrine a remonté une unique, lente, violente, oscillation.

Regardez sur son menton l'infime balancier de la question.

Cela se peut il ? Dans l'ombre posée sous les yeux, l'arc rond des sourcils en miroir. La langue que l'on devine derrière les dents entrouvertes. Etait-ce cela ?

La réponse par les hommes quant à eux dérobée.

Jeanne de ses mains couvre son visage impossible.

Un instant invisible, escamotée aux regards, Jeanne appelle la nuit qui soustrait.

La nuit ne vient pas, Jeanne est blanche. La bouche, le menton.

Sa poitrine qui encore palpitait s'immobilise.

Mais ses yeux, eux, soudain ses yeux fermés se sont ouverts ; et d'une eau qui ne coule pas encore s'emplissent.

C'est ainsi, Jeanne est blanche et clôt maintenant ses lèvres.

 

octobre 2021